Est-ce que je peux céder mon bail?

Vous êtes locataire dans un immeuble appartement à une corporation sans but lucratif laquelle bénéficie de subventions publiques pour fournir des logements destinés aux personnes à faible revenus sans qu’il s’agisse d’un HLM. Pouvez-vous céder votre bail?

Les faits

Une locataire habite son logement depuis 30 ans. L’immeuble dans lequel elle se trouve appartient à un organisme sans but lucratif qui bénéficie de subventions publiques pour fournir des logements décents aux personnes qui ont un faible revenu. La locataire paie un loyer de 264 $ pour un logement qui a une valeur économique de 1 100 $. Le 15 mai 2000, cette dernière avise l’organisme qu’elle cèdera son logement à sa fille le 1er juin 2000. Le 25 mai 2000, la Société refuse cette cession de bail. Elle soutient que la fille et le conjoint de celle-ci ne sont pas des gens à bas revenu pour pouvoir bénéficier de cet appartement. Le 7 juillet 2000, la Société s’adresse alors à la Régie du logement et demande la résiliation du bail ainsi que l’éviction de la locataire et des personnes se trouvant dans l’appartement. La Régie en vient à la conclusion que l’organisme ne pouvait obliger la locataire à adhérer à une politique sociale et à des règlements qui n’étaient pas en vigueur au moment où elle est arrivée 30 ans plus tôt. Selon la Régie, la locataire était en droit de céder son bail. L’organisme va donc en appel de cette décision devant la Cour du Québec.

Le litige

La locataire pouvait-elle céder son bail?

La décision

Le juge accueille l’appel de la décision de la Régie du logement. Il déclare la cession de bail illégale et prononce la résiliation du bail.

Les motifs

De toute évidence, la mission sociale et économique de l’organisme sans but lucratif était connue de la locataire. D’après la jurisprudence, il existe des limites aux droits de certains locataires à céder leur bail lorsque le mandat du propriétaire est connu de ceux-ci et qu’il n’est pas respecté par la cession. En effet, ceux qui bénéficiaient de la cession ne faisaient pas partie de la clientèle visée par ces logements subventionnés, c’est-à-dire les personnes avec un faible revenu. De plus, la loi prévoit que le propriétaire ne peut refuser de consentir à la cession d’un bail sans un motif sérieux. En l’espèce, le juge croit que le motif soulevé par l’organisme est tout à fait valable. Le tribunal en vient donc à la conclusion que la cession de bail intervenue entre la locataire et sa fille est illégale et il ordonne l’expulsion de la dame et de tous les occupants du logement en question.

Références
Société d’habitation du Village Jeanne-Mance c. Sicotte, Cour du
Québec – Chambre civile (C.Q.) Montréal, 500-80-000734-021, 2004/07/08, Juge André Renaud, J.E. 2004-1560;www.jugements.qc.ca
Code civil du Québec, L.Q., 1991, c. 64, art. 1871, 1938